Mille emplois sont en jeu
Dimanche 22 Mars 2009
Christine Lagarde a confirmé dimanche que le gouvernement travaille à des propositions pour aider Heuliez, mais qu'il est encore trop tôt pour évoquer une intervention du Fonds stratégique d'investissement en faveur du constructeur automobile. Les acteurs régionaux peuvent "apporter leur écot à ce plan" de soutien, a-t-elle ajouté, en référence à Ségolène Royal, qu'elle rencontrera bientôt.
La situation économique de l'usine d'Heuliez, dans les Deux-Sèvres, est catastrophique. Le gouvernement s'interroge.(Maxppp)
Union sacrée entre femmes politiques pour sauver le troisième constructeur automobile français. Ségolène Royal, présidente de la région Poitou-Charentes, et Christine Lagarde, ministre de l'Economie, veulent éviter la faillite d'Heuliez, équipementier (toits ouvrants) et sous-traitant de Renault ou Ford, installé dans les Deux-Sèvres. Selon les syndicats, la société ne sera plus en mesure de régler son millier de feuilles de paye d'ici au 11 avril, voire plus tôt. Si la situation se transformait en liquidation judiciaire, ce serait une catastrophe pour les deux femmes: la première verrait le nord de son fief totalement désertifié, la seconde hériterait d'un dossier de type Continental, avec mille familles sur le carreau.
Un ou plusieurs véhicules électriques
Ségolène Royal et Christine Lagarde se sont donc parlé cette semaine pour imaginer une sortie de crise. Une réunion capitale est prévue à Bercy dans les prochains jours. Tout le monde est d'accord sur une chose: l'avenir de l'usine repose sur le développement d'un ou de plusieurs véhicules électriques. Mais les deux équipes n'ont pas la même appréciation du "plan" présenté fin février par la famille Quéveau (propriétaires et dirigeants d'Heuliez). D'un côté, la région Poitou-Charentes, qui soutient plusieurs projets de voitures écolos, dont le "Friendly" d'Heuliez. Ségolène Royal veut entrer au plus vite au capital de la société poitevine via un fonds de capital-risque dont les statuts seront déposés demain.
La région fera également voter le même jour la possibilité pour la collectivité locale de garantir des prêts que voudraient bien accorder les banques à Heuliez. De l'autre, le ministère de l'Economie. Les équipes de Christine Lagarde refusent d'apporter à ce stade un financement à un projet jugé déconnecté de la réalité économique. Le plan des Quéveau prévoit que "Friendly", qui n'existe qu'à l'état de démonstrateur (non homologué), prenne 23% du marché des voitures électriques en Europe d'ici... à trois ans. C'est pour cette raison que le Fonds stratégique d'investissement (FSI), supposé aider les entreprises clés en difficulté, a pour l'instant refusé de soutenir Heuliez, alors que nombre de sociétés automobiles ont été épaulées. Une redéfinition totale du plan de sauvetage Heuliez devra donc être mise sur la table à partir de demain. Une forme de défiance à l'encontre de la famille Quéveau.
Selon les syndicats et des proches du dossier, Heuliez, autrefois florissant, s'est laissé entraîner dans la crise par ses dirigeants bien avant la récession mondiale, puisqu'une première procédure de sauvegarde a été prononcée en octobre 2007. Autrefois reconnu pour son bureau d'études et ses chaînes de montage, Heuliez a perdu en deux ans un maximum de commandes, dont celles de PSA, son plus gros client. Vendredi, seules 23 Tigra sortaient de ses ateliers, contre... une grosse centaine auparavant.
Un millier d'emplois dans la balance
La situation pourrait provoquer une mise en minorité de la famille. Le montage initial prévoyait 15 millions d'euros d'apports "publics" (région et FSI), 15 millions venant de partenaires privés (comme le fonds Demeter, qui aurait donné son accord), plus autant de prêts bancaires. Bercy veut maintenant mobiliser d'autres acteurs de la filière automobile pour préserver l'usine et le bureau de recherche de Cerizay, jugés très performants. Le ministère n'exclut pas d'attendre la cessation de paiements en s'appuyant sur une procédure de redressement. Dans tous les cas de figure, Heuliez ne pourra poursuivre son activité avec 1 000 salariés. Il y aura bel et bien de la casse sociale.