Avantage fiscal pour les femmes : de qui se moque-t-on ? par Annie Gérardin

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Avantage fiscal pour les femmes : de qui se moque-t-on ?

par Annie Gérardin

20.12.08

L'oubli du sexe de l'emploi qui caractérise la plupart des analyses économiques laisse pantois. Cet étrange silence interroge : la pauvreté laborieuse serait-elle trop féminisée pour être choquante ? La privation d'emploi serait-elle moins grave lorsqu'elle affecte le deuxième sexe ? Le développement du sous emploi et la multiplication du nombre de « working poors » touche majoritairement les femmes. Les familles monoparentales (euphémisme qui oublie de dire qu'elles sont à 80 % féminines) sont plus touchées par le chômage que les couples dont un seul membre est actif.

Deux tiers des femmes recherchent un emploi dans 6 domaines professionnels, quand la même proportion d'hommes se répartit dans les 16 autres domaines professionnels. Globalement les femmes connaissent des conditions de travail plus défavorables. Beaucoup de femmes-employées cumulent bas niveau de qualification et précarité de l'emploi, comme les caissières, les vendeuses, les employées de ménages, les auxiliaires de vie. Dans ces emplois la rémunération est moindre que leurs équivalents des secteurs d'activités masculinisés. Il y a 55 % de femmes qui sont « Employées » (pour 14,3 % des hommes) quand il y a 46 % des hommes « Ouvriers » (pour 12,7 % des femmes)

L'avantage fiscal des femmes qui ont élevé seules des enfants (une demi-part supplémentaire) permet que moins de femmes tombent dans la pauvreté. La contribution dont elles ne s'acquitteraient pas leur permet juste de vivre décemment et de préparer une retraite qui les discrimine par rapport aux hommes.

Les retraitées femmes, âgées de 65 ans et plus, en 2001, percevaient une pension mensuelle moyenne de 606 € au titre des droits acquis en contrepartie d'une activité professionnelle, contre 1372 € pour les hommes. Cet écart de plus de 200 % se réduit pour atteindre 44% lorsqu'on ajoute aux droits directs les autres composantes de la retraite, et tout particulièrement les pensions de réversion qui bénéficient surtout aux femmes.

Les carrières des femmes sont plus courtes et leurs rémunérations moins importantes en cours de l'activité. En 2001, parmi les retraités de droit direct de 65 ans et plus, la durée moyenne de cotisation était de 42,25 ans pour les hommes et 29,75 ans pour les femmes, en incluant les majorations de durée pour enfants. Parmi ces retraités, les femmes ne sont que 4 sur 10 à avoir liquidé leur retraite avec une carrière complète, c'est-à-dire en ayant la durée de cotisation requise pour bénéficier du taux plein, alors que c'est le cas de 8 hommes sur 10.

Si l'on considère uniquement ces retraites avec carrière complète, ce qui permet d'isoler l'effet de différences de rémunération sur la pension de retraite, l'écart entre les droits directs des femmes et des hommes s'élève encore à 35 % en 2001. 4 femmes sur 10 perçoivent moins de 600 € quand ce n'est le cas que d'1 homme sur 10. Les faibles droits acquis conduisent de nombreuses femmes à bénéficier des minima de pension. En 2002, une femme retraitée du régime général sur deux voit sa pension portée au minimum contributif, alors que ce dispositif ne concerne qu'1 homme sur 5. Les femmes représentent 62 % des bénéficiaires de ces minima. Les femmes liquident leurs droits en moyenne 2 ans plus tard que les hommes, exception faite de la fonction publique civile, régime dans lequel elles partent plus tôt qu'eux.

Enfin, et cette fois l'inégalité joue en sens inverse. A 60 ans, l'espérance de durée de retraite des femmes est de 6,3 ans supérieure à celles des hommes, respectivement 24,4 et 18,2 ans en 2000, en raison de leur moindre mortalité, ce qui compense plus que largement leur départ plus tardif à la retraite : elles vivent plus longtemps, mais elles sont pauvres.

 

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