La stratégie de Ségolène Royal

Publié le par jacline

 et le "syndrome du sparadrap"

        Michel Noblecourt (Editorialiste)

Ségolène Royal est de retour. Lundi 21 juin, l'ancienne candidate
socialiste à l'Elysée a célébré la rénovation du site Internet de son
association Désirs d'avenir, invitant ses militants à un "pique-nique
solidaire" le 4 juillet à Rochefort (Charente-Maritime). Le même jour,
à New York, au congrès de l'Internationale socialiste, dont elle est
une des vice-présidentes, elle a loué l'attitude de Barack Obama face
à la crise financière, et plaidé pour "un nouvel ordre international
juste et sûr pour chacun". A la rentrée, après sa traditionnelle Fête
de la fraternité, elle lancera avec Edgar Morin, du 27 au 30 septembre
à Poitiers (Vienne), "l'Université des politiques de civilisation".
Ségolène Royal est surtout revenue dans le jeu en vue de la
présidentielle de 2012, en souhaitant bâtir avec Martine Aubry et
Dominique Strauss-Kahn un "dispositif collectif gagnant", quitte à
sacrifier sa propre candidature.


Une déconvenue pour les anti-ségolénistes du PS qui imaginaient - ou
espéraient - qu'après sa réélection, en mars, à la tête de la région
Poitou-Charentes, l'ancienne candidate, isolée, abandonnée par une
partie de ses amis, malmenée ou oubliée par les sondages, allait se
replier sur ses terres. Ils escomptaient que celle que Lionel Jospin
avait cruellement qualifiée, dans son livre L'Impasse (Flammarion,
2007), de "figure seconde de la vie publique", allait s'exiler dans
son pré carré pour continuer à en faire un laboratoire de sa
"démocratie participative", et renoncer à toute ambition nationale.

Depuis l'échec de 2007 - le troisième consécutif à une présidentielle
-, l'appareil socialiste ne s'est pas départi de sa méfiance ou de son
rejet vis-à-vis de Mme Royal (qui le lui rend bien). Nombre de
hiérarques avaient hâte de refermer la parenthèse, comme si sa
candidature n'avait été qu'un accident. Mais depuis trois ans,
l'appareil socialiste est victime du "syndrome du sparadrap". Il
n'arrête pas de jouer L'Affaire Tournesol, cette aventure de Tintin où
le capitaine Haddock n'arrive pas à se débarrasser d'un malheureux
sparadrap qui virevolte sans cesse. On le secoue, on s'énerve, on
tente de s'en défaire mais, à chaque fois, il resurgit au moment le
plus inattendu. A chaque fois que le Parti socialiste a cru s'être
libéré du "cas Ségolène", l'ancienne candidate a soudain fait sa
réapparition.



Depuis 2007, Mme Royal a eu quelques éclipses, parfois facilitées par
les infidélités de ses amis, mais elle n'a jamais disparu de la scène.
Au soir de son échec, elle fêtait sa défaite en chantant. Elle avait
abordé le congrès de Reims, en novembre 2008, comme une revanche,
décidée à conquérir la direction du PS. Mais, le 18 septembre 2008,
elle appelait à la fin de la guerre des chefs, souhaitant que "chacun
mette au frigidaire les questions de candidature, soit au poste de
premier secrétaire, soit pire à l'élection présidentielle". Deux mois
plus tard, Mme Royal se présentait et échouait sur le fil à l'issue
d'un duel controversé avec Mme Aubry. Au terme de multiples péripéties
- une union sacrée avant les européennes de juin 2009 suivie d'un
nouvel affrontement -, les deux femmes ne sont pas devenues les
meilleures amies du PS, mais elles ont compris que leur intérêt commun
était d'essayer de s'entendre.

Aujourd'hui, Mme Aubry et Mme Royal ont conclu, si ce n'est un pacte,
au moins une trêve. Elles cultivent leurs convergences. La présidente
de Poitou-Charentes appuie une rénovation - objet d'une convention le
3 juillet - où elle retrouve, des primaires au non-cumul des mandats,
une bonne part de ses idées. Le "care", la "société du soin" de
Martine Aubry, est le frère jumeau de la "fraternité" de Ségolène
Royal. Et sur la réforme des retraites, "injuste et inefficace", elles
sont sur la même longueur d'onde.

En proposant, le 30 mai, à Mme Aubry et à M. Strauss-Kahn de décider,
"le moment venu", "tous les trois ensemble comment nous nous
engagerons dans cette campagne", quitte à "faire le sacrifice d'une
ambition personnelle", Mme Royal a pris ses rivaux par surprise.
"L'enjeu, a-t-elle réaffirmé le 8 juin, c'est de gagner l'élection
présidentielle, et ça, ce n'est pas un cheminement personnel mais un
combat d'équipe." Au passage, Mme Royal qui, aux yeux de son
lieutenant Guillaume Garot, "porte le talisman de l'unité", a éliminé
du "dispositif collectif gagnant" ceux qui ont déjà annoncé leur
candidature, comme François Hollande, son ancien compagnon, au risque
de transformer les primaires en simple vote de ratification.

Le message de Mme Royal est double : elle ne se présentera pas en
dehors du PS ; elle reconnaît que, pour gagner, elle aura besoin de
l'appareil. Son "ni-ni" - ni candidate aujourd'hui, ni résignée à
jeter l'éponge demain - signifie qu'elle ne se juge pas en situation
de battre une Martine Aubry qui s'impose de plus en plus comme
candidate naturelle. Convaincue qu'elle peut "gagner la primaire sans
problème" grâce à un "lien profond avec le peuple français, avec les
jeunes des quartiers, avec les jeunes des cités, avec l'expérience
aussi à la tête de la région", Mme Royal est prête à se sacrifier mais
n'a pas renoncé. Si le "dispositif collectif gagnant" capote, ou si
elle a l'intuition que "son moment est venu", Mme Royal, qu'un
ministre décrit comme "l'adversaire la plus dangereuse pour Nicolas
Sarkozy", se présentera. Le PS n'en a pas fini avec "le syndrome du
sparadrap".

Publié dans segolene2007.marne

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